L'ennui, comme entité structurante du discours, n'est pas exploré à l'envi par Barthes dans ses Mythologies.
Par contre, il est théorisé dans l'oeuvre in vivo qui se déroule dans le maintenant de la temporalité, Ma maîtrise sur Wikipédia, dans le chapitre "Des manières de dire de la marde en faisant croire que vous voulez faire croire que vous êtes une personne intelligente alors que vous voulez explicitement faire croire que vous voulez faire croire à votre intelligence". On y discute le procès rhétorique de l'ennui, dans des situations comme
- Tuer le plaisir des enfants.
- Rudoyer de malaise ses collègues.
- Autre chose aussi.
L'ennui n'est pas un chemin qui conduit à quelque rate que ce soit, serait-ce celle de Baudelaire lui-même. Penser l'ennui en tant que phénomène ayant une fin serait bien mal avisé, et surtout complètement contraire au sens que lui a prêté Todorov dans ce Livre que Todorov n'a jamais écrit paru aux éditions ACV (Arlette Cousture Vaginite). L'ennui, comme mode de rapport à une pratique physique, n'a de but que l'ennui lui-même. Si "je veux chasser l'ennui" en "me masturbant" ou en "jouant à un jeu vidéo", ce n'est pas l'ennui qui, d'un coup, se transforme en motivation. La motivation existe déjà dans la volonté de chasser l'ennui. Voici d'ailleurs un graphique qui exprime bien la circularité de l'ennui. Avancer que l'ennui est une puissance créatrice est insoutenable sur le plan logique en plus de désavouer le déjà célèbre graphique de l'ennui.
Prenons un énoncé ennuyant, tiré du court récit "L'ennui et le printemps", publié en 2011 sur ce blogue.
Puis, je me tourne vers un de mes interlocuteurs, un geste ou une intonation capte mon attention. Il prend les traits d'un désir flou, une forme qui se calque dans l'air, le temps ralentit un peu, les sons se taisent sans que je m'en rende compte.On pourra se demander ce que cet énoncé pourrait avoir d'ennuyant. Après tout, il fait avancer la diégèse en plus de fournir une description de l'état psychologique du personnage. Or ce n'est pas là qu'il faut chercher les marques de l'ennui. En effet, l'ennui dépend absolument d'un contexte dans lequel il pourra s'inscrire et se diffuser. Il entretient avec le contexte une relation symbiotique : il est inadapté, mais n'en est pas moins incongru. L'ennui est entre autres ce qui sonne faux, mais d'une manière qui paraît avant tout imperceptible. On le constate d'abord dans des choix de mots douteux. Sa manifestation première est le malaise, comme un manque de clarté qui rend un discours presque incompréhensible, sans toutefois que l'impression première qui est ressentie soit cette incompréhensibilité. Il infeste l'axe syntagmatique et paradigmatique, et s'inscrit dans l'abus de typographies inconvenantes, comme l'italique. Il peine à se dévoiler subitement.
L'ennui se manifeste aussi dans l’anacoluthe ; j'entends ici la trope, sous une forme directe ou filée. Étendue sur la durée, par exemple, d'un paragraphe, une anacoluthe filée a pour effet sur le lecteur de créer des questionnements comme "Quand en viendra-t-on à l'énoncé préalablement cité?". L'esthétique de l'ennui concerne donc tant la poétique du texte que sa réception. Enfin, l'ennui fait constamment référence à lui-même. Nous en discuterons une prochaine fois, c'est-à-dire sûrement jamais.
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