2013/06/12

L'ennui et la démocratie - I

Il s'était passé plusieurs mois depuis la disparition du Docteur Fritz. (Non pas que la chose avait attiré beaucoup d'attention - on en avait parlé quelque peu, il est vrai, dans les urinoirs des usines, en confidence, entre deux regards jaloux, des regards d'entre-jambes, vous comprenez, ces moments de complicité masculine, où l'homme reconnaît l'homme comme son frère, telle est la devise des lieux d'aisances virils : hominem frater meus est, quia scio meus frater est.)

Il s'était donc passé plusieurs mois depuis la disparition du Docteur Fritz, Monzégo aimait-il se faire appeler, c'était après tout son prénom (et ce l'est encore, dépendant des écoles de pensée). Or on peine à trouver quelque indice que ce soit en ce qui concerne son existence géographique - pour une raison qui échappe à l'entendement, chaque enquête se termine en un exposé doctoral sur des sujets comme le sucre, ou encore les cubes de sucre. On est donc en droit de se demander où tout cela nous mène, et c'est d'ailleurs notre droit fondamental, le "Droit inflexible #12", si l'on se réfère à la liste qu'a faite Arlette Cousture dans sa Nouvelle République pour enfants, adultes et autres attardés. L'auteure énonce ainsi l'importance du droit en question : "Tout être qualifié par la vie de manière substantielle et humaine a droit, dans la mesure ou la République l'infuse de son parfum démocratique, à une connaissance plus ou moins consistante de l'endroit où il est dirigé". Ce droit en question avait d'ailleurs enflammé les cercles intellectuels de la Métropole, qui décidèrent alors de s'en inspirer pour forger une nouvelle constitution, mais ils furent malheureusement exécutés devant public lorsqu'on découvrit que leur entreprise servait d'abord leur envie malsaine de passer la nuit à faire des amendements à toutes sortes de propositions bestiales.

Et le docteur Fritz, dans tout ça?

"Je crois qu'il aurait été d'accord.", affirme vivement Fernand Poitras, concierge de l'immeuble C53.

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